Wisconsin: Les Français arrivent

Peau de castor (Photo: R. Duvick)

Les Français ont envoyé leurs premiers explorateurs en Amérique du Nord dans les années 1500, mais leur expansion en Amérique du Nord, concentrée d’abord sur la vallée du fleuve Saint-Laurent, a été retardée jusqu’au début des années 1600 en raison de troubles internes. Depuis leurs nouvelles colonies de Québec (fondée en 1608), Trois-Rivières (fondée en 1634) et enfin Montréal (fondée en 1642), les Français découvrirent bientôt que le principal avantage économique qu’ils pouvaient tirer de leur colonie nord-américaine était l’exportation de fourrures, et en particulier le castor.

Exportée en Europe, cette fourrure était traitée pour fabriquer du feutre utilisé pour la confection de chapeaux. Les animaux à fourrure étaient piégés par les autochtones, puis échangés avec les Français contre des produits manufacturés comme des couteaux, des bouilloires et des haches et d’autres objets en métal, des armes à feu et de la du poudre à canon; du tissu et des couvertures; et des objets décoratifs comme des perles de verre et des ornements en argent.

Même si les Français commerçèrent d’abord avec les Hurons qui vivaient à proximité des colonies de la vallée du Saint-Laurent, il devint vite évident qu’il y avait un avantage pour les Français à chercher des fourrures plus loin. Afin de commercer plus efficacement avec les groupes autochtones lointains et proches, les Français envoyaient de très jeunes hommes vivre avec les autochtones afin qu’ils puissent apprendre les langues autochtones et se familiariser avec la culture autochtone. L’un de ces « truchements », comme on les appelait, était Jean Nicolet qui, après onze années de vie chez les Hurons, fut envoyé vers l’ouest par le gouverneur de la colonie, Samuel Champlain, en 1634. Sa mission était double : d’abord, rechercher des alliés et des partenaires commerciaux avec les autochtones loin de la vallée du Saint-Laurent et, deuxièmement, rechercher une voie navigable vers l’océan Pacifique afin de faciliter les voyages vers la Chine et ses opportunités commerciales lucratives.

Nicolet a traversé le détroit de Mackinac et descendu la côte ouest du lac Michigan jusqu’à Green Bay et a atterri à Red Banks, près de l’actuelle ville de Green Bay, où il a rencontré des autochtones qui étaient probablement des Ho-Chunk. Même s’il faudra attendre plusieurs décennies avant que les Français reviennent à cet endroit, la route de Nicolet devient une porte d’entrée vers la région occidentale des Grands Lacs. Les voies navigables du Wisconsin et des environs, longtemps utilisées par les peuples autochtones, allaient devenir un passage vers le Mississippi et au-delà pour les Français, une entrée importante vers le « Pays d’en haut », comme l’appelaient les Français.

Des commerçants s’aventurent dans le Pays d’en haut

Extrait de la carte de J.-B. Franquelin, 1688

Ce sont les efforts agressifs des Haudenosaunee ou des Iroquois pour obtenir les fourrures que d’autres nations autochtones apportaient aux Français qui ont poussé les autochtones de ce qui est aujourd’hui l’Ohio, le bas Michigan, l’Indiana et l’Illinois vers le Wisconsin au milieu du 17e siècle. Face au chaos et à la violence associés à ce conflit, aujourd’hui appelé la Guerre des castors, les Français souhaitaient contourner les intermédiaires autochtones et créer des relations individuelles avec le plus grand nombre de groupes autochtones possible. Le gouvernement colonial français commença à encourager les commerçants à se rendre dans le Pays d’en haut, dont le Wisconsin, pour établir ces relations et rapporter des fourrures.

À mesure que les Français établissaient leurs colonies et pénétraient ensuite plus loin dans les pays d’en haut, ils se rendirent compte qu’ils avaient besoin de leurs partenaires commerciaux autochtones pour bien des choses, et pas seulement à des fins d’échanges économiques. Les déplacements sur ce territoire nécessitaient des guides autochtones qui feraient connaître aux Français les voies navigables que les Amérindiens utilisaient depuis de nombreuses années et qui pourraient les intégrer aux réseaux commerciaux déjà établis.

Les commerçants français apprirent également bientôt que les canots d’écorce de bouleau mis au point par les autochtones constituaient le meilleur moyen de transport. Les vêtements autochtones – jambières et mocassins – convenaient mieux pour se déplacer dans les bois et les eaux du Pays d’en haut, et les commerçants devaient également s’approvisionner en nourriture, tout comme les autochtones. Même si la disponibilité de marchandises commerciales était utile aux autochtones, les Français avaient également besoin de leurs alliés indigènes.

Aux côtés des commerçants venaient des missionnaires catholiques français. Les pères récollets et les Jésuites se sont rendus dans la colonie nord-américaine, cherchant à convertir les autochtones de toute la colonie française. La première mission dans ce qui est aujourd’hui le Wisconsin a été établie par le père jésuite Claude Allouez à La Pointe du Saint-Esprit, à Chequamegon Bay, en 1665. Le père Jacques Marquette a établi une mission à Sault Ste. Marie en 1668 mais s’est rendu à St. Ignace en 1669. Allouez continua par conséquent ses activités ailleurs sur le territoire, travaillant le long de la rivière au Renard et dans la région de Green Bay, que les Français appelaient « La Baie ». En 1671-72, avec le père Louis André, Allouez construisit la mission Saint-François Xavier à De Pere.

De manière générale, les efforts missionnaires français n’ont pas été particulièrement fructueux et n’ont pas abouti, pour la plupart, à l’adoption du christianisme par la population autochtone. Même si certains des endroits où les missions étaient établies sont devenus de petits postes et des centres de population, la présence française dans le Wisconsin s’est développée grâce au commerce des fourrures plutôt que grâce à des efforts religieux.

Groseillers et Radisson

Reproductions de biens d’échange (Photo: B. Cook; Courtesy of Fort St. Joseph Archaeological Project)

Dans les années 1650, il y eut une accalmie dans la violence associée à la Guerre des castors, et un aventurier français du nom de Médard Chouart des Groseillers, accompagné de son beau-frère Pierre-Esprit Radisson, vint dans le Wisconsin à la recherche de fourrures. Ils passèrent l’hiver 1654-1655 dans la région de Green Bay puis revinrent à Montréal avec des canots chargés de castor. Ils repartirent vers le Pays d’en haut en 1659. Bien que le gouvernement français tente de réglementer strictement le commerce des fourrures, obligeant les commerçants à demander un nombre limité de permis pour s’aventurer dans le Pays d’en haut, Groseillers et Radisson patirtent sans obtenir de congé. Groseillers et Radisson sont venus dans la région de Chequamegon du lac Supérieur et ont parcouru ce qui est aujourd’hui le nord du Wisconsin et le nord-est du Minnesota.

Ils passèrent un hiver difficile sur la rivière Chippewa, mais revinrent à Montréal avec d’énormes quantités de fourrures. Plutôt que d’être récompensés, ils étaient punis pour avoir fait du commerce sans permis en se faisant confisquer leurs fourrures. On les a aussi obligés de payer une amende. Ce genre de commerçants sans permis étaient appelés « coureurs de bois ». Le gouvernement français a continué à lutter pour contrôler le commerce illicite pendant de nombreuses années après.

Le père Marquette et Jolliet

Les autorités françaises étaient toujours intéressées à trouver une route vers l’océan Pacifique, qu’elles appelaient la Mer de l’Ouest. Ayant entendu parler de plans d’eau à l’ouest des Grands Lacs qui pourraient bien être cette mer ou du moins une route principale vers celle-ci, le gouverneur de la Nouvelle-France envoya des explorateurs. En 1673, les administrateurs de la Nouvelle-France chargèrent le père Jacques Marquette et le commerçant de fourrure Louis Jolliet d’enquêter sur ces histoires au sujet d’une route vers une mer de l’Ouest. Ils restèrent plusieurs jours chez les Menominee à Green Bay puis se mirent en route vers l’ouest et le sud sous la direction de deux guides Miami.

Facsimile du plan du voyage de 1673 par Jolliet (BnF)

Ils suivirent la rivière Fox jusqu’au portage qui leur permettait d’entrer dans la rivière Wisconsin, à laquelle ils donnèrent le nom de « Meskousing » dans leurs écrits. Prenant cette rivière vers l’ouest et le sud, le petit groupe entra dans la grande rivière—que les Ojibwe appelaient Misi-ziipe—juste au sud de la ville actuelle Prairie du Chien, et suivit la grande rivière vers le sud jusqu’à l’embouchure de la rivière Arkansas. Là, ils firent demi-tour et remontèrent le courant, réalisant que cette rivière continuerait vers le sud et non vers l’ouest en direction de la « mer de l’Ouest ». Leur voyage de retour ne les a pas ramenés à la rivière Wisconsin. Au lieu de cela, ils ont pris la rivière Illinois au nord-est de son embouchure et ont traversé le portage jusqu’à la rivière Chicago, qui les a conduits au lac Michigan, près de la ville actuelle de Chicago.

Au sujet du nom de l’état de Wisconsin, en 1674, l’explorateur français René Robert Cavelier, sieur de la Salle, a mal lu la lettre majuscule au début du nom de la rivière dans le document de Marquette : au lieu de la lettre majuscule « M » pour « Meskousing », il a lu « Ou », qui a ensuite été inscrit sur les cartes comme « Ouisconsin. » Au cours des décennies suivantes, quand de nouvelles cartes étaient produites, le « M » disparut complètement, remplacé par le son de la combinaison de lettres « ou », de sorte que la rivière et les terres qu’elle traversait devinrent connues sous le nom de « Ouisconsin ».


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