Minnesota: Les Français arrivent–phase de contact

Bien que l’explorateur français Jacques Cartier soit entré pour la première fois dans le fleuve Saint-Laurent au XVIe siècle, la France n’a pas tenté d’implanter des colonies à l’intérieur du continent jusqu’à ce que Samuel Champlain et la Compagnie de la Nouvelle-France fondent Québec en 1608. Ils avaient deux objectifs principaux : premièrement, exploiter le commerce des fourrures pour obtenir un avantage commercial, et deuxièmement, trouver une route à travers le continent jusqu’à l’océan Pacifique. Menés par des guides autochtones, Champlain et d’autres aventuriers français sont partis de la vallée du fleuve Saint-Laurent pour apprendre tout ce qu’ils pouvaient sur la région des Grands Lacs afin de nouer des relations commerciales avec les autochtones qui y vivent et pour rechercher une route fluviale vers l’ouest et donc vers le Pacifique.

Phase de contact

Peau de castor (Photo: R. Duvick)

Avant l’arrivée des Européens sur le continent nord-américain, le commerce entre les peuples autochtones existait depuis des siècles. En fait, les voies navigables du Minnesota et du reste de ce qu’on appelle de nos jours Upper Midwest – appelé « pays d’en haut » par les Français – servaient depuis longtemps de routes commerciales et de voyage. Grâce à ces réseaux commerciaux autochtones, au moment où les Français sont arrivés dans ce qui est aujourd’hui le Minnesota dans la seconde moitié du 17e siècle, les autochtones de cette région connaissaient bien les marchandises commerciales que les Français offraient en échange de castor, de vison, d’ours, de renards, de cerfs et d’autres fourrures et peaux : ils les recevaient de partenaires commerciaux autochtones en contact direct avec les Français. Et lorsque les Français se sont rendus dans le pays d’en haut, ils ont pu mener des activités d’exploration et de commerce parce que les peuples autochtones leur ont montré où et comment voyager.

Au tout début, les Français ont établi leur présence sous la forme de missions religieuses et de petits forts dans la région des Grands Lacs à l’est du Minnesota, sur des sites comme Sault Ste. Marie sur le lac Supérieur et Saint-Ignace au détroit de Mackinac. C’est à partir de ces sites que les hommes partaient vers l’ouest et le sud, cherchant à développer et à maintenir des alliances avec les peuples autochtones, mais également à la recherche d’une route vers la « mer de l’Ouest » qui faciliterait les voyages vers l’Asie.

Afin de traiter de façon efficace, les Français ont compris qu’il était essentiel de parler et de comprendre les langues autochtones et de se familiariser avec les cultures autochtones. Ainsi, ils envoyaient des jeunes hommes séjourner pendant des périodes prolongées auprès des groupes autochtones afin d’apprendre la langue ou les langues de leurs hôtes et de mieux connaître leur culture. L’un de ces «truchement» ou interprètes était Jean Nicolet. Après avoir acquis une expérience linguistique et culturelle près de la vallée du fleuve Saint-Laurent, Nicolet a été envoyé pour trouver si un grand plan d’eau situé non loin à l’ouest, décrit par les autochtones, pouvait être l’océan Pacifique. En 1634, Nicolet et son groupe arrivèrent à ce qui est aujourd’hui Green Bay, dans le Wisconsin, après avoir « découvert » non pas l’océan Pacifique mais le lac Michigan.

Carte de Louis Jolliet Facsimile (BnF)

Il n’a pas continué vers l’ouest dans ce qui est aujourd’hui le Minnesota, mais grâce aux Winnebago qu’il a rencontrés à Green Bay, Nicolet a appris l’existence d’un grand fleuve coulant vers le sud, probablement le Mississippi. Alléchés par cette possibilité, de nouvelles aventures des Français dans le pays d’en haut se sont mises en place, plus particulièrement le voyage du père Marquette et de Louis Jolliet en 1673.

Groseillers et Radisson

Une vingtaine d’années après le voyage de Nicolet à Green Bay en 1634, deux commerçants français traversèrent la région du lac Supérieur. Médard Chouart, sieur des Groseillers, et son jeune beau-frère Pierre Radisson sont partis traiter dans une région où ils soupçonnent que les fourrures seraient abondantes. À cette époque, la France tentait de contrôler strictement le nombre d’hommes autorisés à participer à la traite des fourrures, mais Groseillers et Radisson n’ont pas obtenu de un congé pour entrer dans le territoire des Grands Lacs ni pour y faire du commerce. En fait, les hommes qui participaient à la traite sans autorisation gouvernementale étaient connus sous le nom de « coureurs de bois » et étaient sanctionnés de diverses manières par le gouvernement français lorsqu’ils étaient arrêtés.

Carte de Coronelli (1688)

L’expédition Groseillers et Radisson, qui s’est déroulée de 1658 à 1659 dans la région autour du lac Supérieur, s’est avérée très lucrative. Avec leurs compagnons, ils ont voyagé le long de la rive sud du lac Supérieur et ont passé l’hiver à l’intérieur des terres avec les Odawa, sur le lac Court Oreilles (près de l’actuel Hayward, Wisconsin). Là, ils ont appris l’existence du peuple Dakota à l’ouest et, dans l’espoir de les rencontrer et de poursuivre leur commerce avec ce peuple connu pour chasser le bison, ils ont voyagé vers l’ouest. Il se peut qu’ils soient arrivés à cette époque dans ce qui est aujourd’hui le Minnesota.

En 1660, ils sont rentrés à Montréal avec de nombreuses fourrures et des rapports sur ce qui était, pour les Français, un nouveau territoire et de nouveaux peuples autochtones. Cependant, en tant que commerçants illégaux, ils n’ont pas été récompensés pour avoir fourni ces informations. Bien au contraire, leurs fourrures ont été confisquées et ils ont été condamnés à payer une amende et à une peine de prison pour avoir quitté la colonie sans autorisation. Plus tard, Groseillers et Radisson offriraient leurs services aux Anglais et contribueraient à la fondation de la Hudson’s Bay Company.

Dulhut

Vers 1670, le nouveau gouverneur royal, Louis Buade, comte de Frontenac, commença à encourager activement l’expansion des revendications territoriales et des activités commerciales de la France vers l’ouest et autour du lac Supérieur en particulier. Dans ce contexte, un Français relativement récemment arrivé dans la colonie française d’Amérique du Nord de la Nouvelle-France, Daniel Greysolon de Dulhut, a été envoyé pour négocier avec les autochtones vivant autour du lac Supérieur, et en particulier avec les Dakotas, afin de créer un partenariat franco-autochtone. Cette alliance devait permettre au commerce des fourrures de se développer et empêcherait les Dakotas et les Ojibwé de vendre leurs fourrures aux Anglais.

“Daniel Greysolon Sieur Dulhut at the Head of the Lakes – 1679” par Francis Lee Jaques (Minnesota Historical Society)

Dulhut passa l’hiver 1679 à voyager dans ce qui est aujourd’hui le Minnesota, visitant les villages du Dakota. Il alla jusqu’au lac aujourd’hui connu sous le nom de Lake Mille Lacs et peut-être jusqu’à St. Anthony’s Falls, près de l’actuelle Minneapolis. À cette époque, les Dakotas et les Ojibwe étaient en conflit. En septembre 1679, sur le site de Duluth actuel, les dirigeants dakotas et ojibwés ont accepté de travailler avec Dulhut pour créer une alliance réunissant les Français, les Dakota et les Ojibwé.

Un autre francophone qui a voyagé dans ce qui est aujourd’hui le Minnesota était le prêtre récollet belge, le père Louis Hennepin. (Les Récollets étaient associés à l’ordre franciscain et, comme les Jésuites, effectuèrent un important travail missionnaire en Amérique du Nord française.) Travaillant avec une expédition envoyée par Cavelier de La Salle et dirigée par Michel Accault, Hennepin remonta le Mississippi en 1680, appelant les chutes près de l’actuelle Minneapolis St. Anthony’s Falls en l’honneur de son saint patron. Hennepin a écrit ses aventures en 1683 et, malgré une exagération considérable dans ses récits, il a néanmoins fait connaître cette région du haut Mississippi à un large public européen.

Perrot et Le Sueur

Dans les années 1680, un autre Français, Nicolas Perrot, qui s’était établi comme commerçant dans la région du lac Michigan (Green Bay), se dirigea vers l’ouest. Sur la rive est du lac Pépin, dans le fleuve Mississippi (dans ce qui est aujourd’hui le Wisconsin), lui et ses hommes fondèrent le fort Saint-Antoine, dans le but de solidifier la présence française ici et d’assurer la poursuite du commerce avec les autochtones de la région. Lorsque les Anglais, peu de temps après, firent valoir leurs revendications sur ce territoire, les autorités françaises ordonnèrent à Perrot de revendiquer à nouveau la région pour la France, ce qu’il fit lors d’une cérémonie au fort Saint-Antoine en mai 1689.

Perrot était accompagné du lieutenant Pierre Charles Le Sueur. C’est auprès d’un groupe de Lakota qu’il apprit l’existence d’une source de terre bleue près de la rivière Minnesota. En plus de leur souhait d’exporter des fourrures d’Amérique du Nord, les Français étaient attentifs aux sources possibles de minéraux comme le plomb, le cuivre, l’argent ou même l’or, et Le Sueur soupçonnait que cette terre bleue pouvait indiquer la présence de cuivre. Cependant, à cette époque, la surabondance de fourrures exportées signifiait que les Français n’accordaient pas de permis aux hommes pour voyager dans le Pays d’en haut. Le Sueur a trouvé une solution de contournement : s’il n’était pas possible d’obtenir un permis pour faire du commerce depuis Montréal et venir au Minnesota via les Grands Lacs, il pourrait emprunter une route alternative, en remontant le Mississippi, à partir du nouveau fort français implanté près de l’actuel Biloxi sur la côte du Golfe.

En 1700, le groupe de Le Sueur atteignit l’embouchure de la rivière Terre Bleue et construisit le petit fort L’Huillier. Lui et ses hommes ont extrait de la terre bleue de la mine, mais il s’est avéré plus tard qu’il n’y avait pas de cuivre là-bas. Le Sueur faisait également du commerce avec les Dakotas de la région, quittant finalement la région avec une grande quantité de peaux de castor et de peaux de bison. Certains soupçonnaient que les fourrures et les peaux, et non le cuivre, constituaient la véritable exportation recherchée par Le Sueur, mais ses voyages ont permis de diffuser des informations sur les régions du lac Supérieur et de la Terre bleue du Minnesota, et ses découvertes peuvent être vues sur la carte de 1703 réalisée par Guillaume De L’Isle.

Extrait de la carte de 1718 de Delisle montrant le fort L’Huillier et le Saut de St. Antoine (actuel Minneapolis-St. Paul)

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