Bien que chacune des trois régions colonisées par les Français dans le Michigan soit unique, elles présentaient certaines ressemblances de construction et d’organisation. Les historiens et les archéologues ont pu déterminer certaines caractéristiques de ces établissements grâce à l’examen de documents écrits des XVIIe et XVIIIe siècles et à des recherches archéologiques réalisées aux XXe et XXIe siècles, ce qui nous aide à connaître la vie de leurs habitants.
Forts et villages
Les forts étaient entourés de palissades construites en rondins dressés. À Michilimackinac, la palissade elle-même mesurait un peu plus de 300 pieds de côté. À l’intérieur, il y avait une place d’armes, une caserne pour les soldats et des maisons pour des officiers, une quarantaine de maisons pour les commerçants qui y avaient leur siège, une forge et une église. La palissade du fort Pontchartrain (Détroit) mesurait environ un arpent (une ancienne mesure française de distance, soit environ 190 pieds) de chaque côté de rondins verticaux de 12 pieds de haut, et des quartiers fermés pour les soldats et le commandant du fort ainsi que pour les civils – commerçants et habitants. (Le mot français « habitant » est utilisé en anglais pour désigner des colons d’origine européenne qui se concentraient davantage sur l’agriculture que sur le commerce des fourrures.)

Le fort Saint-Joseph était organisé à peu près de la même manière ; les fouilles archéologiques du site ont jusqu’à présent révélé six structures d’habitation de style européen occupées par des commerçants de fourrures et leurs familles, ainsi qu’un éventuel puits et d’autres éléments tels que des dépotoirs de cuisine. Les maisons de ces sites semblent avoir été construites dans les styles français traditionnels appelés poteau en terre et poteau sur sol, où les rondins verticaux sont placés soit directement dans le sol, soit sur un appui en bois, et les espaces entre les rondins sont remplis d’argile ou d’un mélange de boue et de paille.
Il n’y avait pas beaucoup de personnes d’origine européenne vivant dans le Michigan aux XVIIe et XVIIIe siècles : dans la région des Grands Lacs supérieurs en 1760, il y en avait peut-être 1 500 au total avec plusieurs milliers d’autochtones. La population d’origine européenne sur ces trois sites du Michigan comprenait des soldats et des familles de commerçants et d’habitants ; ces familles comprenaient souvent à la fois des Français et des autochtones, car les commerçants épousaient souvent des femmes autochtones. Michilimackinac a vu une trentaine de soldats postés au fort et une dizaine de familles civiles y vivaient à l’année. En été, la population augmentait de façon exponentielle, puisque les commerçants se rassemblaient sur ce lieu de commerce intense, apportant les fourrures qu’ils avaient acquises pendant l’hiver et équipant les canots qui apportaient de nouvelles marchandises, dont la plupart était destinée au commerce.

À Détroit, Cadillac amena d’abord avec lui une cinquantaine de soldats et une cinquantaine de commerçants et de colons. Et à l’automne 1701, pas moins de 6 000 autochtones étaient venus vivre dans la région du Détroit, puisque le fort Pontchartrain était supposé devenir un important centre commercial pour les Français. Un recensement de 1761 montre que plus de 700 commerçants et « habitants » et leurs familles vivaient à Détroit. Comme à Michilimackinac, la population autour du fort Pontchartrain devenait plus grande pendant la saison commerciale qui durait de la fin du printemps jusqu’au début de l’automne. Les archives du fort Saint-Joseph montrent qu’entre 30 et 50 personnes vivaient au fort, et que beaucoup plus d’autochtones vivaient à proximité.
Commerce des fourrures, alimentation et agriculture
Même si les Français avaient plusieurs motivations différentes pour construire des forts et envoyer des soldats, des commerçants et des habitants dans le Pays d’en haut, la principale raison de leur présence au Michigan et dans les environs était de faciliter le commerce des fourrures. Dans le cadre du commerce des fourrures, les autochtones capturaient des animaux à fourrure et les échangeaient contre des articles manufacturés que les Français d’Amérique du Nord importaient d’Europe. Cet échange, effectué d’abord uniquement à Montréal et dans d’autres villes de la vallée du Saint-Laurent, puis dans d’autres endroits comme Michilimackinac, Détroit et le fort Saint-Joseph, apportait aux autochtones des objets de valeur à la fois utilitaires et décoratifs et fournissait aux Français une marchandise qui pouvait se vendre en Europe pour le bénéfice financier des hommes d’affaires et de la couronne française.
Parmi les biens échangés avec les autochtones figuraient des tissus, des articles métalliques tels que des chaudrons et des couteaux, ainsi que des objets décoratifs comme des perles ou des bracelets. Parmi les fourrures et les peaux achetées par les Français figuraient le castor, l’ours, le rat musqué, le vison, ou le cerf. Cependant, à mesure que le commerce des fourrures se poursuivait et que la demande française augmentait, de plus en plus d’animaux étaient piégés pour leur fourrure, créant un déséquilibre qui n’existait pas à l’époque où les autochtones ne capturaient que suffisamment d’animaux pour satisfaire leurs besoins.

Les Français ont apporté leurs propres traditions culinaires lorsqu’ils sont venus vivre dans les pays d’en haut, mais les conditions climatiques dans tout le Michigan ont fait qu’ils ont principalement adapté les aliments autochtones au cœur de leur alimentation. Ils achetaient du maïs aux autochtones, le traitant souvent pour enlever l’enveloppe des grains afin de le rendre plus nutritif. Les pois secs étaient faciles à transporter et pouvaient être transformés en soupe tant pour les voyageurs lors de leurs déplacements que pour les habitants des colonies. Les résidents français mangeaient également du poisson et du gibier, en les préparant peut-être selon des méthodes traditionnelles autochtones. Une certaine partie aurait été séchée afin de la conserver. Certains aliments comme le blé, le thé et le café, ou le chocolat, étaient importés de grands centres de population comme Montréal ; on sait qu’il y avait des fours à pain à l’extérieur des palissades du fort de Michilimackinac.

Peu à peu, les habitants commencèrent à cultiver d’autres plantes ; les habitants de la région de Détroit sont devenus exportateurs de blé, et des vergers de pommiers et de pêchers y ont été développés après les années 1730, alors que davantage d’habitants vivaient à l’extérieur de la palissade du fort Pontchartrain. Les fermes aménagées par les habitants étaient organisées selon un format typique au territoire français en Amérique du Nord. Appelées « fermes à ruban », ces propriétés étaient longues et étroites, ayant un côté étroit qui mesurait un arpent ou quelques arpents de large (un arpent = environ 190 pieds) donnant sur la rivière et s’étendant sur plus de 100 arpents (près de quatre miles) de profond. Sur ces terrains, les maisons se trouvaient près de la rivière, et le terrain cultivé se trouvait plus loin de la rivière. Le bois, utilisé pour la cuisine et le chauffage, pouvait être obtenu dans la forêt, qui était plus éloignée.
L’archéologie et les forts français

Les fouilles archéologiques de Michilimackinac et du fort Saint-Joseph mettent en évidence la présence et l’intersection des cultures européennes et autochtones. Les objets importés tels que les boutons métalliques, les poteries et le verre nous racontent la vie des Français qui y vivaient. La présence de soldats est indiquée par des boutons d’uniforme et des pièces d’armes à feu, et les objets religieux témoignent de la présence de prêtres et de missionnaires catholiques. Les perles de verre trouvées sur les sites étaient utilisées comme décoration par les amérindiens et les habitants français. Egalement, il existe des preuves de la réutilisation par les autochtones d’objets importés : par exemple, des « cônes tintants » métalliques créés à partir du métal de chaudrons usés et qui servaient à décorer des vêtements. Il existe des documents écrits comme des comptes de notaires, des rapports militaires, des lettres et des registres paroissiaux qui racontent également le travail d’autres résidents, comme des forgerons, ainsi qu’à enregistrer des actes de baptême et des mariages, y compris les unions d’hommes français et de femmes autochtones.
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